Méditation : comment elle régule nos gènes

Il y a quelques temps, je publiais un article sur les 14 bonnes raisons de se mettre à la méditation.
Je souhaite en partager une quinzième ici.

La méditation, ce que l’on appelle aussi la pleine conscience ou mindfuldness est énormément étudiée par les scientifiques. Aujourd’hui, de nouvelles études mettent en avant les effets extraordinaires de cette pratique et comment elle agit au niveau moléculaire, au sein même de nos cellules.

Génétique versus épigénétique

Savez-vous vraiment ce qu’est l’épigénétique ?

Ce mot est effectivement utilisé à tout bout de champ par de nombreux praticien du bien-être ou des coachs, sans toujours en donner une définition claire et surtout scientifique.
Faudrait-il qu’ils la connaissent !!!

En tant que biologiste et enseignante, je ne peux m’empêcher d’étaler ma science.
En même temps, c’est mon boulot !

Pour résumer, dans le monde du coaching, on te vend que tu peux transcender ta génétique grâce à l’épigénétique.
Tu peux en quelques sorte transformer ou changer ta vie (que tu penses généralement pourrie !) grâce à l’épigénétique.

L’ADN code pour des fonctions biologiques

Je vais tenter de vous expliquer simplement ce qu’est l’épigénétique.

Petit rappel : Ce sont plus de 60 000 milliards de cellules qui nous constituent. Nous sommes une véritable petite communauté. Alors on se sent encore seul(e) ???
Chaque cellules (sauf les globules rouges) contiennent notre patrimoine génétique, sous forme d’ADN, contenu dans leur noyau. La moitié de cet ADN vient du père, la moitié de la mère.

L’ADN, est une énorme molécule, sous forme de double hélice, qui forme un code qui est une succession de gènes. Le code se constitue de seulement 4 molécules, que l’on appelle des bases ou nucléotides : A, G, C, T pour Adénine , Guanine, Cytosine, et Thymine.

Chaque gène est une répétition de AGTC et code pour une protéine avec une fonction bien particulière.
Le génome humain regroupe entre 20 000 à 25 000 gènes.

Les gènes codent donc pour des protéines. Chaque protéine a une fonction biologique bien précise.
Pour que la cellule produise ces protéines, les gènes s’activent. Ils sont au contraire inhibés lorsqu’il s’agit de réprimer la production d’une protéine.

Imaginez que nos gènes soient un peu comme des interrupteurs.
En position « ON », le gène code pour sa protéine (cette étape n’est pas directe et nécessite de nombreuses étapes de contrôles).
En position « OFF », le gène n’est pas actif. La protéine n’est pas produite.
Il existe bien sur des positions intermédiaires, permettant de réguler finement l’expression du gène.

Et l’épigénétique dans tout ça ?

L’épigénétique est une manière de réguler l’expression des gènes. C’est un système mis en place par la vie pour favoriser l’activation ou l’inhibition des gènes. Ce qui s’exprime provoque alors des caractéristiques particulières, comme par exemple, la couleur des yeux, de la peau, des cheveux, la taille… pour ne citer que des caractéristiques visibles.
C’est ce qu’on appelle le phénotype.

Le code de notre ADN, c’est à dire la séquence des bases AGTC, n’est pas modulable (à part par thérapie génique, mais c’est une autre histoire). L’épigénétique, elle, Si.

A défaut de moduler notre patrimoine génétique, on peut en l’occurrence agir sur la manière dont les gènes vont s’exprimer, grâce à l’épigénétique. C’est cool, non ?

On peut par exemple être porteur d’une mutation qui peut favoriser le développement d’une maladie, néanmoins grâce à l’épigénétique, il est possible que cette maladie ne se déclenche jamais.

Citons par exemple, le risque élevé de développé un cancer du sein chez les femmes porteuses de la mutation des gènes BCRA1 ou BRCA2.
Les gènes peuvent être effectivement trop actifs pour des raisons épigénétiques et favoriser le développement du cancer.

Des modulations épigénétiques peuvent diminuer l’expression de gènes impliqués dans le développement de cancers.

L’épigénétique, comment ça se passe ?

L’épigénétique se manifeste par des modifications chimiques, généralement, au niveau de zones, appelées les promoteurs, essentiels au contrôle de l’expression des gènes.

L’une des modifications la plus connue s’appelle la méthylation. Il en existe d’autres types, comme par exemple l’acétylation.
Certaines de ces modifications épigénétiques, peuvent avoir lieu au niveau des histones, de grosses protéines qui permettent d’empaqueter l’ADN.
Même la sérotonine, souvent appelée l’hormone du bonheur, intervient dans des modifications épigénétiques. C’est la sérotonylation.

L’épigénétique explique pourquoi de vrais jumeaux, malgré le même patrimoine génétique, peuvent être différents.

Un autre exemple atypique, celui des abeilles. Même si, elles partagent toutes le même patrimoine génétique, l’une d’entre elles devient reine, et les autres des ouvrières ou des faux-bourdons.
Dans ce cas, c’est comment va être nourrie la larve qui va modifier le destin de l’insecte. La reine est en effet nourrit exclusivement de gelée royale.
Bon, c’est pas une raison pour te nourrir exclusivement de gelée royale !!

Et nous humain, ce que nous mangeons influence également notre épigénétique et pas uniquement. La méditation le fait également et bien d’autres facteurs encore (activité physique, émotions, stress, pollution, autres facteurs environnementaux, notre lieu de vie, notre entourage, nos croyances…)

Mais ici, je partage des avancées récentes sur les effets de la méditation sur l’épigénétique.

La méditation agit sur notre épigénétique

C’est effectivement ce que démontre plusieurs études scientifiques dont les travaux menés récemment par la collaboration de plusieurs équipes de recherches internationales : française, canadienne, américaine, espagnole.

Des prélèvements de sangs sont réalisés chez des méditants expérimentés et des non méditants afin d’analyser les modulations épigénétiques au niveau des cellules immunitaires (cellules mononuclées de sang périphérique ou PBMCs), après une journée de 8h de méditation.

Les chercheurs ont regardé les profils de méthylation.

Au début de l’étude : Aucune différence basale significative dans les profils de méthylation n’a été observée entre les deux groupes.

Après une journée de pratique méditation : Les méditants ont montré 61 sites différentiellement méthylés.

Les sites de méthylations décrits ont été associés avec le métabolisme et le vieillissement des cellules immunitaires.

Les chercheurs rappellent que le stress agit sur l’épigénome, or la méditation améliore le stress. Il est par conséquent logique de voir que la méditation, en améliorant les effets du stress, va également agir sur l’épigénome.

Les modifications épigénétiques induites par la méditation sont certainement à l’origine d’une part de ses bienfaits.
Ces travaux montrent qu’elle agit au niveau moléculaire, au sein de nos cellules, jusque dans notre propre ADN.

Méditer 8h par jour, mais qui a le temps ?

Vous allez me dire, t’es gentille Rachida, mais perso, j’ai pas le temps pour méditer 8h par jour.

Je vous rassure moi non plus.

Alors comment faire pour profiter des bienfaits épigénétiques de la méditation ?

Personnellement, je pense qu’il vaut mieux plein de petites actions quotidiennes, comme un peu de méditation, s’activer plus, se nourrir d’aliments frais et naturels, du rire, du bon sommeil….bref, un peu tous les jours, plutôt qu’un bon gros effort de temps en temps.

Et aussi, combien de personnes essaient la méditation et n’y arrivent pas et culpabilisent (ce qui n’est vraiment pas bon au niveau épigénétique !).

Vous n’aimez pas méditer, assis sur un oreiller ? Pas de problème ! Essayez, la marche méditative, essayer de manger, de vous doucher, de faire du sport, de boire…en pleine conscience.

A chaque instant, nous pouvons être présent là et maintenant. Et nous voilà en état de pleine conscience, et pas besoin d’avoir l’air de Bouddha au pied de son arbre !

Références

Chaix R, Fagny M, Cosin-Tomás M, Alvarez-López M, Lemee L, Regnault B, Davidson RJ, Lutz A, Kaliman P. Differential DNA methylation in experienced meditators after an intensive day of mindfulness-based practice: Implications for immune-related pathways. Brain Behav Immun. 2019 Nov 13. 

Bader M. Serotonylation: Serotonin Signaling and Epigenetics.
Front Mol Neurosci. 2019 Nov 21;12:288. 

Kaliman P. Epigenetics and meditation.Curr Opin Psychol. 2019 Aug;28:76-80.


Crédits photos : pixabay, unsplash

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