Auréolé du plus beau palmarès des sports collectifs français, Claude Onesta transmet les recettes de son savoir-faire unique. Son œuvre à la tête de l’équipe de France de handball s’appuie sur un management profondément humain, où délégation des pouvoirs se conjugue avec partage des responsabilités. Le monde de l’entreprise est aussi en quête d’agilité et d’efficience. Tentative de liaison(s)…
Un dimanche soir, fin janvier 2017. Rivé devant la télévision, des millions de français contemplent les « Experts » du handball en train de conquérir un 6ème sacre mondial à Paris Bercy. Cet ultime succès contre la Norvège (33-26) marque une nouvelle ligne au palmarès déjà bien fourni de cette équipe « formi-durable ». Au-delà de l’exemplarité et des résultats, les Bleus du hand sont bien installés dans le cœur des Français. Les adjectifs foisonnent. Indestructible, souvent favorite, cette équipe est pour le moins difficile à vaincre. Des titres, des émotions, du beau jeu… Si les supporters attendent énormément d’eux, ont-ils vraiment conscience du chemin parcouru par ce groupe de compétiteurs hors pair pour atteindre les sommets ? En grande partie dans l’art subtil et profond du management de Claude Onesta.
L’éthique du bien faire ensemble
Selon lui, les hommes sont plus forts que les dogmes. S’affranchir des règles ouvre la porte à la liberté et à l’insubordination. Les acteurs libérés s’impliquent davantage dans le processus de décision. Pour réussir, il est intéressant de déléguer les pouvoirs et de partager les responsabilités. Un juste dosage à trouver entre alchimie collective et positions individuelles. Le temps est ainsi nécessaire pour faire comprendre au remplaçant sa place, son rôle d’auxiliaire de performance, associé aux autres. Le résultat de l’équipe est toujours plus important que la réussite personnelle. Au service de la communauté, l’individu devient, dans le respect des règles et des codes du groupe, de plus en plus autonome. Accoucher de champions responsables, confiants en eux et dans le destin collectif, est un projet significatif dans lequel il faut balayer les réticences individuelles. Au nom de l’excellence collective.
Liaison n°1 : chaque collaborateur doit trouver et comprendre sa place dans l’équipe
Voir plus loin que les apparences
« Qu’aurais-je pu faire et que je n’ai pas fait ? » La remise en cause permet de devenir une meilleure version de soi. Travailler ses points faibles, écouter les autres, s’approprier le projet, dépasser les différences pour réaliser sa mission. Le développement personnel est au cœur de la performance. Comment donner le meilleur de moi-même pour la réussite optimale du groupe ? La réussite se mesure souvent dans des détails qui se révèlent cruciaux in fine. Les défaillances et les réajustements sont parfaitement indispensables à l’équilibre de l’équipe. Face à l’enjeu, le manager se doit d’être entrainant. Motiver assez sans trop créer d’émotions, parvenir à imposer son ascendant psychologique sur l’adversaire. Cela relève de l’horlogerie interne dans laquelle un minimum d’inconfort psychologique titille les atouts du groupe. Un savant équilibre à mettre en œuvre au plus fort de la bataille.
Liaison n°2 : chaque collaborateur a intérêt à se remettre en cause, progresser, réaliser sa mission pour aider l’équipe à mieux réussir, en capitalisant sur la difficulté, l’inconfort
Succès = produit d’un parcours réussi
Dans un contexte entrepreneurial pressurisé, insuffler cet état d’esprit collectif soudé autour d’un objectif commun partagé et mobilisateur des salariés est devenu un enjeu social fort. La dynamique du succès, les recettes de la gagne passe par la qualité des interactions entre les individus. « Une aventure d’hommes et de projet dans lequel l’objectif n’est pas plus la médaille que réussir le parcours qui y mènera. La victoire est la conséquence d’un parcours réussi. » L’univers de l’entreprise réunit et met les collaborateurs en condition de se réaliser individuellement, de bien vivre ensemble. S’associer non par contrainte mais par intérêt partagé. La victoire récompense de fait la qualité de l’association. L’entreprise au service de l’homme. Comme l’erreur est humaine, il faut a contrario admettre son intérêt préalable à la reconstruction d’une aventure plus ambitieuse. « L’échec est en quelque sorte un diplôme », comme le dit Dr. Idriss Aberkane, conférencier sur l’économie de la connaissance et les neurosciences. L’erreur est source de transformation, du fait de grandir et de se réaliser. Solidaires dans le succès comme la défaite, le résultat, cet œuvre sensible, appartient toujours au groupe et ses enseignements sont riches de progrès.
Liaison n°3 : dans sa relation aux autres, le collaborateur nourrit la dynamique pour réussir ensemble, l’échec n’étant qu’une étape d’apprentissage vers le succès futur
Audace et créativité
Moment important de la vie collective, la préparation replonge dans le goût de l’effort, la solidarité et la foi. Rebâtir pierre par pierre la confiance, la fraternité, la machine à gagner. Indissociables de la performance, l’aléa, l’incertitude induisent une bonne dose de ruse. Savoir se faire oublier pour surgir là on n’est pas attendu… Choix tactiques, utilisation des hommes, prise de paroles sont autant d’outils à la disposition du manager pour donner le cap. L’entreprise emploie les mêmes chemins pour se développer (moyens humains et financiers, temps, calcul risques/opportunités…). Quel que soit le terrain, la performance implique des décisions audacieuses, créatives qui s’appuient sur l’analyse des paramètres en jeu, la régulation constante des performances individuelles pour servir l’objectif commun. L’expertise et l’innovation se heurtent à l’idée de l’autre, la confrontation est nécessaire et fructueuse. La crise décèle toujours, ou très souvent, un moment de responsabilisation, d’où l’intérêt de porter son regard sur la partie invisible des événements.
Liaison n°4 : le manager guide l’équipe vers son objectif en ajustant les réussites individuelles et les confrontations (attitude responsabilisante)
S’épanouir pour mieux créer et servir
Selon Pierre Dantin (directeur de la chaire « Société, sport et management » de la faculté d’Aix-Marseille), « Claude Onesta est un humaniste anticonformiste, pour qui la performance collective est un construit social étayé par la richesse des comportements, des talents et du courage des uns et des autres. La clé du résultat de demain se trouve dans ce que l’équipe va produire de différent, avec des individus soucieux d’apprendre sur eux-mêmes, de se découvrir et de surprendre. » L’équipe apprend sans cesse, construit un chemin différent, pour continuer à avancer ensemble. Le manager s’ingénie à créer, construire des croyances positives, porteuses d’énergie.
Liaison n°5 : le collaborateur apprend, grandit, se dépasse au profit d’une alchimie différente, porteur d’un nouvelle oeuvre collective
Le management réside dans le pouvoir du discours, l’attitude et le comportement. Le manager marie les éléments de langage pour influencer les siens et déconstruire les réalités adverses. Animé par les valeurs, les affects et le souci constant du bien-être des autres, il met à distance les velléités individualistes. Ce climat positif permet aux individus de progresser et de s’épanouir dans un cadre commun. Cet acte éducatif responsabilise les joueurs, devenus plus libres, autonomes et créatifs.